Les Inrockuptibles: Avez-vous été choqué par l'affaire DSK?
Dominique de Villepin: Ce qui m'a choqué, c'est que derrière l'état de sidération des Français, il y a une faute politique. Cette idée que vous puissiez suspendre la vie politique à un candidat virtuel, c'est une faute. Pourquoi la vie politique doit-elle être entachée par une affaire de droit commun? Parce que, quand la vie politique est gouvernée par les sondages, dans une bulle, n'importe quoi l'affecte. Une vie politique réelle avec de vrais combats, des idéaux, n'est pas aussi fragile que cette politique virtuelle.

Comment fait-on alors pour croire à la politique?
Nous avons besoin d'un printemps français, de retrouver le sens du collectif. La France n'a pas vocation à être à la traîne des autres pays, n'a pas vocation à être un pays d'indifférence collective. La France a vocation à être un acteur de l'histoire.
Concrètement, cela passe par quoi?
Je l'ai dit et je le redirai, même si cela n'intéresse personne. Parce que les combats qui n'intéressent personne méritent d'être livrés. Vous commencez à cinq ou dix, et vous avez peut-être une chance, cinq ans, dix ans, vingt ans plus tard, d'avoir le peuple avec vous. Cela commence par le réveil des citoyens. Il faut mettre la citoyenneté au coeur de tout. Cela passe par un service citoyen obligatoire, et surtout par un revenu citoyen, qui est le début du pacte entre les Français. Si vous acceptez de donner 850 euros à chaque Français en échange d'une activité, c'est le commencement d'une vie commune.

Ce que vous appelez la révolution de la dignité peut se produire à l'occasion de la campagne présidentielle?
Il y a deux questions que les Français vont se poser en 2012 et qui vont fabriquer l'offre politique à l'élection. La première, c'est stop ou encore pour le pouvoir en place. Est-ce qu'on réélit Nicolas Sarkozy? Cette question n'est pas à son avantage. Deuxième question, voter pour qui? Pour quoi faire? Strauss-Kahn est out. Viennent ensuite des candidats qui n'avaient pas vocation à être au premier rang au Parti socialiste et qui vont se battre entre eux. Cela peut rapetisser à la cuisson, on sait tous qu'une grosse marmite, pendant plusieurs mois, ça réduit beaucoup, surtout à feu fort! Et puis les Français ont besoin de liberté, d'indépendance et d'expérience. Moi je n'ai pas participé aux cinq années de la présidence de Nicolas Sarkozy, je n'ai été complice de rien.

Il n'y a vraiment aucun point d'accord avec la gauche? Même sur la fiscalité ou l'éducation?
Ce n'est pas sur des points qu'il faut se retrouver.

Même pour bâtir une alternative à Nicolas Sarkozy?
La campagne de 2012, ce ne sera pas contre X ou Y. Aujourd'hui l'UMP et le PS sont dans des logiques d'ajustement. Ils pensent que par des aménagements, on change le destin français. Moi, je ne le crois pas. Je veux tout ce qu'on veut mais je le veux grand! Car la France est un grand pays.

Tout le monde - Nicolas Sarkozy, la gauche - dit que la France est un grand pays!
Oui, mais où sont les solutions? Jacques Chirac, en 1995, a fait campagne sur la fracture sociale. Il a fait une analyse mais il n'a pas apporté la réponse. Aujourd'hui, j'apporte cette réponse. La réponse à la fracture sociale, c'est de créer une nation et, pour créer une nation, il faut une solidarité, et c'est le revenu citoyen!

Que pensez-vous de la politique culturelle?
La culture dans ce pays n'intéresse personne et c'est bien dommage. J'ai l'ambition de faire de la France une véritable exception culturelle. Je voudrais que la création culturelle dans notre pays soit totalement exemptée de l'impôt jusqu'à un certain montant de revenus. Je veux que les grands créateurs viennent en France. La France ne peut être la France que si elle rayonne et si les Français sont fiers.

Avez-vous vu La Conquête?
Non. Ce qui m'a gêné dans les extraits que j'ai vus, c'est ce concours de sosies. Et la méconnaissance de la psychologie de la vie politique française. J'ai le sentiment d'un film de connivence qui, tout en ayant l'air de s'en moquer, sert la soupe au pouvoir, et cela m'est insupportable. Un film politique, ça doit prendre des risques. L'art, c'est le détour. On prend quelqu'un par la main et on lui raconte une histoire. Là, il n'y a pas de détour, c'est le Musée Grévin!

S : Les Inrockuptibles