Et c'est cette parole qui est susceptible de nous élever, de donner un peu de hauteur au débat politique, alors qu'on a tendance à regarder dans l'assiette du voisin en permanence, à se jalouser les uns les autres.
La vérité, la question aujourd'hui: est-ce que nous nous aimons assez pour pouvoir nous rassembler?
La vraie réponse pour moi, c'est que nous aimons assez la France, mais que nous avons du mal à nous aimer les uns les autres (...) parce que justement, nous manquons de projets communs, nous manquons d'avenir commun.
(...)

Quand un Chef de l'Etat propose 30 milliards de cadeaux aux plus riches en dépenses fiscales, qu'est-ce qu'il fait? Il se crédibilise? Vous savez, le choix de la dépense, c'est un choix politique. Et les milliards d'euros, on les voit tous les jours: ils se dépensent.

Le choix, c'est est-ce qu'on les dépense pour des choses utiles qui contribuent à la nation ou est-ce qu'on les dépense à vau-l'eau, en fonction de besoins qui sont parfois discutables.

Aujourd'hui, il y a un problème de dignité dans notre pays. Il y a une partie des Français qui ne vivent pas dignement. Et il y a des Français qui vivent de mieux en mieux, des Français qui sont de plus en plus aisés, qui sont parfaitement à l'aise dans la mondialisation, qui maîtrisent tous les outils de la modernité.
Cette coupure, ce fossé, ces inégalités croissantes, c'est le vrai danger pour la République et pour la France.
Alors, après, on peut s'inquiéter de la montée du Front National, on peut s'inquiéter des tensions qui existent au sein de notre pays...

Premier élément, menons de politiques qui rassemblent, évitons ce qui a été trop fait au fil des dernières années (débat sur l'identité nationale, question des Roms, ...), tout ce qui pointe le doigt sur l'autre en le stigmatisant: ça, on le met de côté ! Nous devons entrer dans une phase où on privilégie ce qui rassemble.

Deuxième élément: donnons à chacun le bagage, le moyen, le revenu qui permet la dignité. Nous avons une capacité sans égale à distribuer toute une série d'allocations. Eh bien, plus d'allocations, un revenu! Non pas de l'assistance, un vrai revenu qui va s'appuyer sur une contrepartie, une contrepartie qui sera des projets d'utilité publique, des grands projets d'utilité publique. Et c'est pour cela que je propose avec le revenu citoyen un service citoyen qui ne sera pas simplement obligatoire pour les plus jeunes de 18 à 25 ans, mais qui sera ouvert à tous ceux qui, bénéficiaires du revenu citoyen, pourront ainsi apporter leur contribution.

Et ceux qui ne veulent pas apporter cette contribution, ceux qui ne veulent pas donner cette contrepartie de solidarité nationale, eh bien, ils continueront à toucher ce qu'ils touchaient auparavant. (...)

Le revenu citoyen, c'est 850 euros pour ceux qui ne touchent rien, et c'est la possibilité jusqu'à 1500 euros de toucher un revenu dégressif. Celui qui gagne le SMIC par exemple touchera 130 euros supplémentaires. Une agricultrice qui a travaillé toute sa vie, qui est à la retraite, qui touche le minimum vieillesse, elle touchera un peu plus d'une centaine d'euros supplémentaires. Une personne handicapée touchera un peu plus de 100 euros. (...)
30 milliards d'euros, Monsieur Bourdin.

Il faut prendre en compte le fait que les cadeaux fiscaux qui ont été faits depuis 2007, c'est justement 30 milliards d'euros. (....) Fiscalement, il faut faire en sorte que ceux qui sont les plus aisés, ceux qui ont le mieux réussi au sein de la société française, les 3 et quelques % des plus riches dans notre pays (...) Je suis, en ce qui concerne l'impôt sur le revenu, pour une tranche de 60% pour ceux qui touchent plus d'un million d'euros par an.

Vous savez, la justice, c'est un élément essentiel du ciment républicain et c'est une condition pour que la dignité de chacun soit partagée.

Moi, j'ai beaucoup de mal à me lever le matin dans un pays où je sais que les inégalités sont aussi flagrantes. Le fait de payer un peu plus, non pas pour rien, non pas pour le tonneau des Danaïdes, mais en sachant que la dignité est au rendez-vous et qu'à partir de là, la citoyenneté qui constitue une exigence indispensable redevient un élément de la démocratie française.

Aujourd'hui, nous avons une nation de consommateurs, de consommateurs de politiques, pas de citoyens, pas de citoyens actifs, pas de citoyens dignes qui sont susceptibles, chacun, d'être sollicités par la nation.
Si la nation veut demander à chacun quelque chose (voter: je suis pour le vote obligatoire), si l'on veut véritablement demander une contrepartie en terme d'utilité publique, eh bien donnons à chacun la dignité."

Source: RMC Info - BFM TV le 14 juin 2011