Jeudi 22 décembre, 6 heures. Au milieu des crocs de boucher, des têtes de veau et des volailles chaponnées, Dominique de Villepin arpente les allées du secteur des produits carnés du marché de Rungis (Val-de-Marne). Les grossistes sont habitués à ces visites politiques matinales, surtout en période préélectorale. L’accueil chaleureux, néanmoins, n’est pas feint. L’ancien premier ministre goûte ce genre d’exercice, chiraquien en diable.
« Ici, il y a des gens dont la poignée de main ne ment pas, des gens qui aiment leur métier, insiste-t-il. C’est la France qui mérite d’être reconnue et récompensée. C’est la France de l’excellence et du travail. » A 7 heures, il s’attable au Saint-Hubert en compagnie des présidents des syndicats professionnels. Il tape sans rechigner dans les assiettes de charcuterie et de fromage, avale goulûment un verre de Bordeaux. Il se ressert, s’échauffe, s’enflamme, plaide avec véhémence pour le « courage ». « Nous entrons dans une période de communication et d’image alors que nous avons besoin de décisions, déplore-t-il. A un moment, il faut du courage et savoir se placer sur le terrain de l’intérêt général. Il ne suffit pas d’avoir l’air courageux, il faut être courageux. »
« ILS ONT MENTI AUX FRANÇAIS »
Il juge « grave qu’on ait consacré autant d’énergie en vain pour conserver ce triple A que nous sommes en train de perdre ». « Il nous faut de la rigueur, mais pas une rigueur qui nous épuise, qui nous laisse exsangues. On a besoin d’hommes et de femmes qui disent la vérité aux Français. » On a compris que l’actuel président de la République ne se range pas dans cette catégorie.
« La politique, aujourd’hui, est dans la pensée magique, c’est du zozottement, poursuit-il. La question est : qui est capable de faire ? » Et la réponse ne tarde pas à venir : lui seul. « Tous les hommes politiques ne sont pas égaux. Il y en a qui ont fait des choses, il y en a qui n’ont rien fait, il y en a qui ont échoué. Moi j’ai agi, j’ai diminué la dette, j’ai fait baisser le chômage, face à la crise des banlieues, contre Nicolas Sarkozy, j’ai pris mes responsabilités, j’ai décrété l’état d’urgence. »
L’état d’urgence, son nouveau sésame. « La situation l’exige. Si cette campagne électorale ne sert pas à changer la donne, elle ne servira à rien, estime M. de Villepin. Soit on revient en arrière, soit c’est la fuite en avant en continuant ce qui ne marche pas. Ce sera totalement stérile. Le système est pervers. Je connais le pouvoir de l’intérieur. Je sais l’impuissance du politique, je sais que Nicolas Sarkozy n’a rien dans les mains. La machine politique est une machine d’illusions. »
Il tape, mouline, reprend une rasade, engouffre une tranche de fromage, tonne contre ce « système d’irresponsabilité ». François Fillon, qu’il avait qualifié de « premier ministre transparent », en prend pour son grade. « En 2007, il disait être à la tête d’un Etat en faillite. Qu’a-t-il fait ? Il a augmenté la dette de 700 milliards. L’irresponsabilité ne peut pas rester dans l’impunité. Ils ont menti aux Français et, ça, ça va se payer. Croyez-moi, aujourd’hui, je suis peut-être seul. Dans deux mois, cela ne sera plus le cas. »
A quelques jours de Noël, il semble habité par sa destinée, convaincu que son étoile brille toujours au firmament, qu’il est le sauveur qu’attend la patrie en souffrance. Il se lève d’un coup, salue, embrasse, lève les bras, conquérant, inébranlable, galvanisant la petite troupe qui l’accompagne. « On reviendra, promet-il à ses hôtes du jour. C’était roboratif et ça met en jambes. »
Source: Le Monde, Patrick Roger
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