Mis en cause par un article du Monde sur l’affaire Relais & Châteaux, Dominique de Villepin a vivement réagi ce mardi matin, en affirmant au Monde n’avoir « strictement rien à [se] reprocher ».
« Essayer de m’impliquer dans une histoire dans laquelle je n’ai rien à voir est insupportable, a-t-il affirmé. Je vois très bien pourquoi on veut mêler mon nom à cette affaire à quelques jours d’une annonce importante », a-t-il indiqué, en faisant allusion à la date du 13 décembre, jour où il doit annoncer s’il sera candidat ou non à l’élection présidentielle.
S’agissant du déjeuner du 12 janvier 2010 au cours duquel il aurait, selon des écoutes téléphoniques, tenté de faire pression sur les nouveaux dirigeants de Relais & Châteaux, M. de Villepin affirme n’avoir » en aucun cas tenté d’influer sur un dossier judiciaire dont je ne savais rien. J’ai simplement accepté de rencontrer ces responsables, à leur demande. Ils m’ont invité dans le cadre des bonnes relations que j’entretiens avec Relais & Châteaux. Je savais qu’il y avait un contentieux entre eux et mon ami Régis Bulot, mais j’ignorais tout du fond de l’affaire « .
Par ailleurs, l’ancien premier ministre assure n’avoir » jamais bénéficié d’éventuelles largesses de M. Bulot. J’ai séjourné plusieurs fois dans des établissements Relais & Châteaux, et j’ai toujours payé, ce qui n’est pas forcément le cas de certains hommes politiques. Je fais partie de ceux qui ont toujours honoré leurs factures. Tout cela est aisément vérifiable, il suffit de consulter la comptabilité. Par ailleurs, M. Bulot n’a jamais financé mon activité politique. Il a peut-être apporté une contribution au Club Villepin, c’est tout. Ces sous-entendus sont scandaleux . »
Furieux, M. de Villepin a conclu : « Ca commence à bien faire, on n’a pas le droit de salir le nom des gens sans raison, sans preuve. Dans cette histoire comme dans l’affaire Karachi, où l’on relaie complaisamment les affabulations de Ziad Takieddine sur de prétendues rétrocommissions destinées au chiraquiens, on entretient des fantasmes, au risque de briser des vies ».
Source : Le Monde
M. de Villepin cité dans l’affaire Relais & Châteaux
L’ancien premier ministre Dominique de Villepin pensait bien en avoir terminé avec ses tracas judiciaires, après sa relaxe confirmée en appel, le 14 septembre, dans l’affaire Clearstream. Il s’était même dernièrement rapproché de son grand rival, Nicolas Sarkozy. Las, un juge d’instruction de Strasbourg, Jean-Baptiste Poli, s’intéresse désormais à lui, sous le regard d’un parquet inquiet.
Le juge envisage de le convoquer, à tout le moins comme témoin. Le magistrat s’interroge notamment sur l’intervention de l’ex-locataire de Matignon dans le dossier pénal dont il est chargé. Les enquêteurs, qui disposent d’écoutes téléphoniques intrigantes, nourrissent des doutes sur le train de vie du cabinet d’avocats fondé par M. de Villepin, et sur le financement de ses activités politiques. Les gendarmes ont même interrogé, vendredi 2 décembre, Marie-Laure de Villepin, l’épouse de l’ancien premier ministre.
C’est au détour d’une banale affaire de surfacturations – évoquée par Le Point le 9 février – impliquant Régis Bulot, 64 ans, président jusqu’en janvier 2006 de la prestigieuse association Relais & Châteaux, que le nom de M. de Villepin est apparu, au grand étonnement de la section de recherches de la gendarmerie de Strasbourg. M. Bulot a été mis en examen le 18 novembre pour « escroqueries en bande organisée et abus de confiance », puis écroué. Il lui est reproché d’avoir profité, au moins entre 2002 et 2008, d’un système de commissions occultes, mis en place pour l’impression du guide annuel présentant les 518 établissements de l’enseigne Relais & Châteaux. Le préjudice se monterait à 1,6million d’euros.
Or l’un des meilleurs amis de Régis Bulot n’est autre que Dominique de Villepin. Dans un portrait très fouillé de celui qui était alors premier ministre, Le Point écrivait, en septembre 2005, à propos d’un séjour dans le Morbihan: « Comme tous les ans, son ami Régis Bulot, président de Relais & Châteaux, avait organisé les vacances familiales, trouvé la maison à louer et les adresses de bistrots. » Les deux hommes ne cessent de se parler, comme en attestent les surveillances téléphoniques opérées par les enquêteurs. Le jour de sa relaxe dans l’affaire Clearstream, le 28 janvier 2010, c’est même M. Bulot qui reçoit le premier un coup de fil de son ami. A charge pour lui d’organiser un déjeuner, avec les deux autres grands amis de M.de Villepin, l’homme d’affaires Alexandre Djouhri et le PDG d’EDF, Henri Proglio. « Que ça s’ébruite pas… », insiste M.de Villepin.
Seize jours plus tôt, le 12janvier 2010, il était plutôt question des propres soucis de M. Bulot, empêtré dans son affaire de surfacturations. Depuis deux ans, les gendarmes enquêtent en toute discrétion sur d’importantes sommes en espèces qui lui ont été remises. L’ex-premier ministre l’avait appelé, deux fois, avant puis après un déjeuner avec Jaume Tapiès, le successeur de M. Bulot à la présidence de l’association Relais & Châteaux. M. Bulot, à l’époque, se doute que la nouvelle équipe dirigeante a fait des découvertes compromettantes.
« Le ménage avait été fait, pourtant, indique M. Tapiès, interrogé par Le Monde. Il manquait beaucoup de documents… » Il en reste toutefois suffisamment pour que M. Tapiès se positionne contre M. Bulot et se constitue partie civile dans l’instruction ouverte en 2009. Le conflit est violent. Le restaurateur Alain Ducasse, ami de M. Bulot, lance, lors d’une conversation téléphonique interceptée le 30janvier 2010: « Il faut lui couper la tête vite à ton successeur. »
M. de Villepin a-t-il tenté, hypothèse privilégiée semble-t-il par les enquêteurs, de faire pression sur les nouveaux patrons de l’association pour éviter que le dossier ne prenne de l’ampleur? En tout cas, il commet une imprudence, en narrant à son ami au téléphone sa rencontre avec les nouveaux dirigeants. « Ce qu’ils m’ont dit, assure-t-il le 12 janvier 2010 dans l’après-midi, permet de faire le plus gros feu d’artifice des prochaines années, à supposer que l’affaire Clearstream s’arrête. » Il se vante de leur « avoir fait une trouille dix fois au-dessus de ce qu’ils imaginaient » et d’avoir rappelé à ses interlocuteurs lors du déjeuner que « si un jour on s’intéresse à savoir quel est l’homme politique qui a couché avec qui dans quelle chambre, vous êtes morts… »
L’ex-ministre de l’intérieur insiste sur le fait qu’il vaut mieux éviter les téléphones portables, mais lâche tout de même à son ami: « Je les ai retournés. » La conversation a éveillé la curiosité des enquêteurs. Et fait de M. de Villepin une éventuelle cible judiciaire, lui aussi. En effet, M. Tapiès, qui a confirmé au Monde la tenue de ce déjeuner, a pris soin de prévenir les gendarmes, expliquant que c’est l’ex-premier ministre qui avait sollicité ce rendez-vous – M. Bulot affirme l’inverse. Le matin, lors d’un premier appel, M. Bulot avait lâché à M. de Villepin, à propos de M. Tapiès: « Je te remercie d’être ferme et s’il veut se conduire… Rappelle-toi que huit jours après avoir été élu, il était à ta table à Matignon. »
Par ailleurs, l’affaire s’enrichit d’un nouveau volet. Les gendarmes ont découvert un système de pratiques commerciales douteuses. Chacun des 518 établissements membres de Relais & Châteaux devait fournir 29 nuitées gratuites par an à la présidence de l’association. M. Bulot en avait l’absolu contrôle. Devant le juge Poli, il s’est ainsi souvenu d’ »un ancien ministre qui avait bénéficié d’un week-end sur la Côte d’Azur, avec une Ferrari prêtée par le garage Ferrari… » Il semblerait que certaines personnalités françaises, politiques et membres du show-business, aient eu droit à ce traitement de faveur.
En échange, l’association a-t-elle pu obtenir des contreparties? Cette interrogation est désormais au cœur de l’enquête. Le juge a fait entendre, la semaine dernière, tout le personnel du siège social, et pourrait se pencher sur les bénéficiaires des nuitées. S’il a reconnu le système de fausses factures, M. Bulot a nié tout financement politique : « Je n’ai jamais remis d’enveloppes à des tiers », a-t-il expliqué sur procès-verbal, certifiant que l’argent lui avait servi à renflouer ses trois affaires qui périclitaient, mais aussi à acheter des tableaux.
Il a aussi expliqué son mode de fonctionnement vis-à-vis des VIP, pendant ses dix-huit années de présidence : « Quand on invite des personnalités, c’est l’établissement qui invite et on n’a pas besoin de payer. » Il a précisé que M. de Villepin, avec qui il était par exemple parti en vacances en Martinique dans un établissement des Relais & Châteaux, avait réglé son séjour sur place : « Il n’a jamais bénéficié d’une gratuité et je peux vous dire que c’est rare dans ce milieu. » Sollicité par Le Monde, M. de Villepin n’a pu être joint.
Source : Le Monde
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