Traditionnellement, toute campagne électorale - surtout la plus importante d'entre elles, la campagne présidentielle - déchaîne un certain nombres de passions à travers les différents organes médiatiques que nous avons à notre disposition : à chaque petit mouvement, presse écrite, blogs et chaînes de télévision nous abreuvent de décryptages et d'analyses, plus ou moins partiels et partiaux, avec pour but de nous éclairer... c'est en tout cas la feuille de route officielle de ces médias. En réalité, plus que d'informer, certains outils médiatiques sont de véritables diffuseurs d'opinions, et tentent de persuader plus que d'expliquer. C'est sans doute une dérive tout à fait compréhensible à cette époque d'hyper-communication, mais elle peut avoir pour conséquence des dommages énormes en termes de manipulation d'opinions.
Concernant les élections présidentielles, les exemples sont légion depuis une bonne vingtaine d'année : François Bayrou en 2007 ou Eva Joly cette année. Mais le plus révélateur des travers de nos analyses médiatiques concerne sans aucun doute Dominique de Villepin, candidat à l'élection présidentielle de 2012 depuis décembre 2011. Le but ici n'est pas de savoir si l'on apprécie ou non ce candidat et son projet politique : il s'agit surtout de constater à quel point les médias ont, consciemment ou non, décidé de "charger la barque" de Dominique de Villepin - allant parfois jusqu'à soupçonner une liaison coupable entre certains organes de presse et le palais de l'Elysée. Nous espérons que ce soupçon n'est que le fruit d'un soudain accès de paranoïa et préférons, plutôt que de nous perdre dans des prises de position stériles et nécessairement partisanes, nous apesantir sur le traitement de choc réservé depuis plusieurs mois à l'ancien Premier Ministre.
Le premier point est le doute, distillé depuis plusieurs mois, sur la candidature même de Dominique de Villepin. Depuis en effet un an à peu près, alors que les sondages étaient relativement favorables à une candidature à l'élection présidentielle, un certain nombre de médias avaient décidé que l'ex premier ministre était un candidat peu crédible, ou tout simplement qu'il n'irait pas. Les analyses pointaient toutes dans ce sens, faisant fi d'informations réelles émanant de République Solidaire : depuis avril, les militants de ce mouvement pouvaient déjà deviner que Dominique de Villepin souhaitait se présenter, et la presse avait sans doute accès à ces filons d'information. Cependant, de Rue89 à la vénérable émission "C dans l'air" sur France 5, toutes les chroniques pointaient dans le sens d'une candidature peu crédible, et d'un silence plié d'avance. Lorsque la surprise est arrivée début décembre 2011, ce n'était pas du tout par manque d'information : c'est tout simplement parce qu'une bonne partie des médias traditionnels, numériques ou non, avaient déjà décidé du sort de Dominique de Villepin - et que celui-ci avait visiblement eu l'outrecuidance de déjouer des pronostics douteux pourtant largement partagés dans la sphère médiatique. Dont acte.
La deuxième inexactitude concerne le fait que Dominique de Villepin, même candidat, n'aurait pas de programme. Faux, là encore. 25 pages dûment rédigées, propositions développées, le programme hébergé par République Solidaire, mouvement politique fondé par l'ancien ministre des affaires étrangères, existe bel et bien - et ce depuis avril 2011. Là encore, on peut se demander si l'on parle d'information ou de désinformation, alors même que l'intégralité des journalistes avait accès à ce programme, publié en accès libre sur le site officiel du mouvement. En d'autres termes : une simple recherche Google (dont sont pourtant friands les journalistes de notre époque) permettait de pouvoir débusquer cette idée reçue et de faire un bel élément de contre-information. A priori d'ailleurs, tout candidat déclaré à l'élection présidentielle dispose a minima d'un programme ou d'une ébauche de programme. Que l'on soit d'accord ou non avec les propositions de ce programme est tout à fait légitime ; nier le fait même qu'il existe relève de la malhonnêteté intellectuelle. C'est pourtant bien cette même malhonnêteté intellectuelle qui nous est servie en pâture depuis plusieurs mois.
Troisième erreur (et cela commence à faire beaucoup) : Villepin est un homme seul, sans argent, qui ne pèse pas dans les sondages. En d'autres termes, c'est un "petit candidat", ce qui délégitimerait de facto sa volonté de se présenter. D'une part, Dominique de Villepin, en tant qu'ancien premier ministre et ancien ministre des affaires étrangères n'est pas si seul que cela : d'une, il a pu fonder un mouvement politique qui se porte tout à fait honorablement (malgré, là encore, un certain nombre d'actions de désinformation) et deux, on imagine mal qu'un personnage politique ayant exercé de si hautes fonctions n'ait pas au minimum un réseau de sympathisants ou de conseillers. De surcroît, la délégitimisation sur le seul fait de sondages pour l'instant défavorables (et à raison, puisqu'il n'était pas censé être candidat pour l'opinion publique, convaincue par les médias !) est une dérive dangereuse contre laquelle tout démocrate, quel que soit son bord politique, doit s'insurger vigoureusement. Tout candidat, de gauche comme de droite, a le droit de se présenter à l'élection présidentielle - quelles que soient les indications des sondages.
Si le cas de Dominique de Villepin est si intéressant, c'est parce qu'il déchaîne énormément de hargne, ce qui est relativement paradoxal, puisqu'il n'est censé ne pas peser lourd dans les sondages. La plupart des médias semblent relayer une sorte de doute partagé (en espérant qu'il ne s'agisse pas d'une consigne), alors même que d'autres "petits candidats", comme Philippe Poutou, Nathalie Artaud ou Jean-Pierre Chevènement, ne déchaînent pas le dixième de chroniques méprisantes et assassines. Encore une fois, le problème n'est pas de vouloir ou non voter pour Dominique de Villepin ; il s'agit plutôt de se poser la question d'un traitement aussi partisan et aussi "gros" au sujet de cet homme politique. De là à penser que tout a été fait pour le dissuader de se présenter, il n'y a qu'un pas que nous ne souhaitons pas franchir, afin de ne pas tomber dans des excès que nous ne soutenons pas.
Manipulations idenditaires et culturelles
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